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Rapports alternatifs des organisations mauritaniennes de défense des droits de l'homme

dim, 10/27/2013 - 08:21

Mauritanie 109e session du Comité des droits de l’homme Déclaration commune (21 Octobre 2013) Cette déclaration est faite au non des ONG nationales AFCF (Association des Femmes Chefs de Famille), COVIRE, le FONADH, AMANE et les ONG internationales Alkarama et Minority Rigghts Group International (MRG). Les ONG souhaitent attirer l’attention du Comité sur les préoccupations principales relatives à la mise en œuvre du Pacte des droits politiques et sociales en Mauritanie. Tout d’abord, la persistance de la détention au secret dans le pays est particulièrement inquiétante : ainsi, en mai 2011 ; 14 personnes ont été enlevées illégalement par des agents de l’Etat alors qu’elles se retrouvaient détenues à la prison de Nouakchott. Les autorités ont affirmé en mai dernier devant le Comité contre la torture que ces individus avaient épuisé toutes les voies de recours, condamnés puis transférés provisoirement vers la prison de Wadane par arrêté du Ministère de la Justice. Toutefois, aucun centre de détention n’est recensé dans cette région, les 14 détenus se trouvent en réalité dans la caserne militaire de Salah Dine qui n’est pas un lieu de détention officiel : à ce jour, ni leurs familles ni leurs avocats n’ont pu les contacter ou les visiter. Alkarama appelle les autorités à mettre un terme définitif à cette pratique assimilable à la disparition forcée et à placer toutes les personnes détenues au secret sous la protection de la loi et dans des établissements pénitentiaires reconnus. La Mise en place de mécanisme national de prévention de la torture manque de transparence et la feuille de route convenue au départ n’est toujours pas adoptée. L’observation de la situation des droits de l’homme dans les prisons est soumise à des autorisations administratives octroyées selon l’obédience supposée de demandeur. En outre, la torture n’est pas définie en droit interne au niveau du code pénal. En ce qui concerne la garde à vue, elle est 48 à 72 heures sauf pour les inculpés de crimes terroristes et de sureté de l’Etat ou la garde à vue est de 15 jours, renouvelables 2 fois, sur ordre du procureur (art.57 du code de procédure pénale), soit 45 jours. -La culture d’impunité pour les maîtres d’esclaves, l’absence de mise en œuvre de la loi de 2007 criminalisant l’esclavage et la répression systématique des mouvements de contestation sont particulièrement alarmantes. L’affaire Noura est l’exemple le plus récent. Noura Bint Aheimed, 18 ans, a été exploité, maltraité et privé d’accès à l’école pendant 14 ans. La plainte qu’elle a déposée n’a été suivie d’aucune arrestation malgré les promesses du Ministère de la justice qui, au cours d’une rencontre avec l’IRA et la jeune fille, avait formellement promis de diligenter une enquête. Sous la pression de la gendarmerie et des présumés esclavagistes, le père de Noura a même retiré sa plainte. Noura s’est ainsi tournée vers l’IRA (L’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste en Mauritanie) qui a réintroduit une plainte et organisé un sit-in, avec la section locale de SOS-Esclave, devant la gendarmerie de Boutilimitt, pour protester contre la culture d’impunité pour les maîtres d’esclaves. L’arrestation le 30 septembre 2013, de cinq activistes anti-esclavagistes de l’IRA devant la gendarmerie témoigne de ces tentatives d’intimidation des défenseurs des droits de l’homme et de ces tensions persistantes autour des questions d’esclave. A notre connaissance, deux activistes de l’IRA sont toujours détenus à ce jour pour « rassemblement non autorisé » et « appartenance à une organisation non reconnue ». Le 06 octobre suivant, le sit-in a été de nouveau violement réprimé et de nombreuses personnes ont été blessées en raison de l’usage disproportionné de la force par les services de sécurité. Plus d’une vingtaine de militants ont également été arrêtés. Il est primordial que les autorités mettent fin à cette vague de répression afin de garantir en fait et en droit de liberté d’expression, de réunion et d’association pacifique. Cette affaire démontre aussi que la réticence des autorités à diligenter des enquêtes, arrêter et poursuivre les coupables rend les recours juridiques pour les victimes d’esclavage totalement illusoires. L’identification et la gestion des cas de pratiques esclavagistes continuent à opposer les ONG anti-esclavagistes et les autorités administratives et judiciaires (gendarmes, policiers ect) devant le déni d’actes esclavagistes. Ceci a provoqué des arrestations arbitraires, des confrontations musclées de la police qui fragilise la quiétude et la sécurité. L’Etat mauritanien continue de persévérer dans la non reconnaissance de certaines organisations actives dans la dénonciation des violations des droits fondamentaux relatifs à toutes les formes de discrimination, au racisme, à l’esclavage, à la participation effective des couches fragiles et marginalisées dans les stratégies politiques et économiques nationales. L’absence d’une stratégie globale et intégrée pour combattre l’esclavage est préoccupante. La finalisation et l’adoption de la feuille de route pour mettre fin à l’esclavage est bloquée par le gouvernement. La rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, Madame Gulnara Shahinian, va se rendre en Mauritanie dans les prochaines semaines pour essayer de parvenir à un accord avec le gouvernement. Il semble que le langage employé dans la feuille de route, qui affirme clairement que l’esclavage continue d’exister, ne soit pas assez modéré pour le gouvernement. Il faut, en effet, réitérer que le gouvernement considère que l’esclavage est une pratique qui appartient au passé et que, ce qui existe aujourd’hui, ne sont que les séquelles de l’esclavage. Malgré les engagements du gouvernement en 2010, aucune stratégie de lutte contre l’esclavage n’existe à ce jour, ce qui nuit fortement à la cohésion sociale et au respect des droits fondamentaux. Les femmes, vectrices importantes de développement, sont marginalisées de la conception des stratégies d’élaboration des programmes économiques, la mise en œuvre et leur suiv-évaluation. Le cadre juridique de promotion et de discrimination positive à l’égard des femmes est assujetti à des pesanteurs sociales et politiques qui relativisent l’élaboration des lois requises abrogeant toutes les dispositions discriminatoires. Ceci bloque l’introduction effective des femmes à tous les niveaux de prise de décision. Les avancées sur le pourcentage des femmes élues par la loi du quota de 20% de 2006, sont maintenues au niveau Municipal. Toutefois dans la réalité, la représentation des femmes au parlement a baissé à 13% du fait l’augmentation du nombre de députés et la suppression de l’obligation de nommer des femmes en tête de liste dans certaines régions. Les violences domestiques faites aux femmes, harcèlement sexuel, les violences sur les filles domestiques mineures, la traite, le gavage et les MGF ont connu des avants projets de loi, qui sont proposés, discutés et des engagements pris par l’Etat mauritanien pour leur soumission aux parlements, sans effet à ce jour. Les domestiques mineures sont exposées à toutes les formes d’exploitation, elles sont accusées de vol après l’accumulation de plusieurs mois de salaires par l’employeur et jetées en prison : Des cas de viol de filles mineures sont commués en zina (prostitution) ; ainsi, cinq femmes croupissent à la prison des femmes de Nouakchott avec 5 bébés dont une jeune journaliste et deux filles mineures pour ce délit. Les femmes esclaves subissent doublement ces sorts, en plus de la non reconnaissance des droits de propriété et à fonder un foyer, d’héritage et de succession, elles sont souvent victimes d’exploitation sexuel par leur maître. Le rapporteur spécial des Nations Unis sur les nouvelles formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui est associée, a visité la Mauritanie et reconnu l’existence des disparités sociales et nationales accentuées par un règlement partiel et non inclusif des violations tirés à la déportation des années 80/90, du passif humanitaire et de l’esclavage. Les victimes du racisme réitèrent le règlement du Passif Humanitaire, concept incluant la déportation des mauritaniens de l’ethnie halpular vers le Sénégal et le Mali. L’expropriation foncière, l’exclusion de l’administration, le partage équitable de pouvoirs et des richesses, par la voie de la Justice Transitionnelle respectant le devoir de vérité, de Justice, de mémoire, de réparation et de réconciliation. -La situation des femmes Harratines, à la fois libres et esclaves, est ignorée par les autorités malgré leur extrême marginalisation dans la société Mauritanienne. Depuis les années 2000, il y a eu des efforts pour améliorer l’égalité Homme/Femme mais ces mesures ne prennent pas en compte le fait que les femmes harratines et les femmes d’autres groupes minoritaires tels que les Pular, les Soninké ou les Wolof, ont davantage de risque d’être victimes de discrimination. Par exemple, malgré l’adoption des quotas de 20% de femmes pour les postes de prises de décisions dans l’administration publique, il n’y a que 4 femmes harratines sur les 19 femmes que compte l’Assemblée Nationale. Au Sénat, la situation est pire, puisque sur les 8 femmes que compte le Sénat, aucune n’est membre de la communauté harratine. L’égalité homme/femme ne peut être atteinte si l’on ne prend pas en compte la discrimination double que subissent les femmes harratines en raison de leur genre et de leur appartenance au statut social d’esclaves. De manière générale, des données statistiques désagrégées par sexe et ethnicité devaient être développées afin de renseigner sur la position des femmes harratines, libres ou esclaves, et des femmes des groupes afro-mauritaniens, dans la société Mauritanienne. -Enfin les conditions dans lesquelles se tiendront les prochaines élections législatives et municipales sont particulièrement préoccupantes. Reportées sine die depuis deux ans, elles ont finalement été arrêtées au 23 novembre 2013 et seront boycottées par une grande partie de l’opposition qui a suspendu son dialogue avec le pouvoir qui estime que leur date a été fixée unilatéralement et qu’elles ne respectent pas les garanties minimales de transparence et d’équité. En effet, de nombreux électeurs potentiels se retrouvent de facto exclus du processus car ils n’ont pu être recensés ou retirer leur carte d’identité. L’opposition dénonce par ailleurs la récente manipulation du fichier électoral : ainsi, certains agents recenseurs auraient même été licenciés face au refus d’enregistrer des pièces d’identité en l’absence de leurs titulaires. Les allégations d’implication de plusieurs officiers de l’armée dans le processus électoral, notamment à travers l’inscription massive des militaires de certaines garnisons dans des circonscriptions électorales déterminées dans le but évident est d’influer sur le résultat final, sont également inquiétantes. Or, il est essentiel, afin que la Mauritanie garantit le respect de l’article 25 du Pacte, que ces élections puissent permettre la participation de tous les citoyens sans exclusion et soient préparées par des institutions indépendantes de l’administration, afin de ne pas conduire à des résultats faussés qui pourraient perpétuer la crise politique actuelle. Le dialogue politique instauré en 2011 a abouti à des recommandations importantes pour l’ancrage de la démocratie et le renforcement de l’unité nationale. Il s’agit de la criminalisation de l’esclavage, l’institutionnalisation d’une Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) permanente, de la reconnaissance de la parité. Ces assises étaient menées entre la majorité et une partie de l’opposition, qui sont améliorées par un dialogue avec les parties de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). La suspension de ces dernières négociations, le revers du 02 Octobre 2013 autour de la date pour le report des élections du 23 Novembre 2013 augure des divergences, source de tensions inquiétantes. L’idée retenue que les points relatifs à l’indépendance institutionnelle, structurelle et financière de la CENI, l’audit de fichier électoral, le dialogue autour de l’enrôlement, un gouvernement de transition pour la gestion des élections sont tant de mesures demandées par l’opposition qui corroborent le report de la date des élections pour un consensus plus et des élections apaisées. Les allégations des inscriptions frauduleuses du recensement à vocation électorale (RAVEL), et de l’enrôlement discriminatoire à l’Etat Civil exposent le pays à des élections contestées et des menaces d’instabilité. Nous exhortons l’Etat mauritanien, à l’examen de ces questions et à la recherche de solution coordonnées et urgentes.